Les enfants et la crise du COVID-19 : une lecture attachementiste.
- Danaé Panagiotou, PhD
- 1 avr. 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 avr. 2020

Pendant ces temps particuliers qu’on traverse, il y a plusieurs manières pour être affecté du coronavirus autrement que physiquement. Notre santé mentale et celle de nos enfants peuvent également être touchées. N’oublions pas que les enfants aussi sont affectés malgré leur âge et leur capacité de compréhension des évènements ou justement du fait de leurs capacités limitées de compréhension, d’autorégulation émotionnelle et de mise en perspective. Pourtant, ils ont autant besoin que nous adultes de mettre du sens sur ce qui se passe. Dans leur quête de sens, il se peut qu’ils adoptent des perceptions qui ne sont pas seulement erronées mais qui leur causent en plus de l’anxiété et de la tristesse. Par exemple, on peut penser que toute personne malade du COVID-19 va mourir ou qu’on ne va pas à l’école et on ne sort pas, parce qu’on est punis. Bien que ce type de pensées puisse paraitre irraisonnable, il est typique chez les enfants qui sont susceptibles à la pensée magique et à la sur-généralisation.
En miroir de ce qu’on vit et tout en étant de vraies éponges, les enfants ressentent, observent, entendent et se baignent dans des informations plus ou moins adaptées à leur âge, compréhensibles, justes et rassurantes. Entre les discussions d’adultes, de bribes d’information sur la radio ou la télévision, ce que les copains disent, nos enfants ont plus besoin que jamais qu’on prenne du temps pour les écouter, discuter ensemble et les rassurer.
L’activation de nos systèmes d’attachement :
Toute cette période sans précédent, remplie de changements de nos routines antérieures est un déclencheur de nos systèmes d’attachement respectifs. N’ayant plus nos repères habituels, on peut ressentir de l’inquiétude, de l’insécurité, de la frustration, de l’angoisse, de la tristesse. Naturellement nous nous tournons vers nos figures d’attachements, ses proches, ses propres ressources et rituels rassurants : tels qu’un coup de fil à un ami ou même nos parents, notre film préféré, un verre de vin, un bouquin, une sortie de course à pied pour se détendre, etc. Pour nos enfants ces figures d’attachement principales c’est nous. Ils vont alors nous solliciter davantage de manière tantôt positive et explicite tantôt négative et implicite.
Nous constituons leur base de sécurité où ils vont s’y référer pour se rassurer et regagner une sécurité affective de base avant d’être à nouveau disponible pour l’exploration et l’apprentissage. Cela tombe bien parce que nous sommes physiquement à proximité pendant le confinement. Mais est-ce que nous sommes psychiquement disponibles et sensibles à leurs besoins ayant nos propres systèmes d’attachement activés ? La réponse des attachementistes est négative : lorsque notre propre système d’attachement est activé, notre système de caregiving en tant que donneur de soins est inhibé. Ce postulat nous permet vite de remettre les choses en priorité et mesurer l’importance que nous puissions prendre soin de nous et rester entourés pendant ce temps de crise.
Ensuite, tant que le système d’attachement de nos enfants est activé, leurs systèmes d’exploration et d’apprentissage sont aussi inhibés. Autrement dit, dans nos priorités prime leur réassurance émotionnelle avant d’attaquer les objectifs académiques et l’exécution sans faute des propositions de leurs maîtresses.
Les changements qu’on peut observer ou les signaux d’alerte que nos enfants peuvent émettre :

Ce qui peut nous permettre de se rendre compte que leur système d’attachement est activé est tout changement de leur comportement habituel. Lorsque l’enfant est inquiet, il va avoir besoin de se retourner vers sa base de sécurité et ses explorations et sa quête d’autonomie seront ralenties voire inhibées. Cela pourra se traduire par des comportements de « pot de colle » (par exemple suivre maman et/ou papa partout), des difficultés à rester seul, une perte – passagère, rassurons-nous – des acquisitions antérieures (par exemple, l’enfant refuse de manger seul ou se met à nouveau à faire pipi au lit), des recherches de proximité physique, des comportements de vérification de la disponibilité parentale sans cesse (par exemple en sollicitant tout le temps maman et papa), une intolérance voire une angoisse de séparation, des difficultés d’endormissement, etc.
En effet, l’enfant est biologiquement équipé dès ses premiers jours pour maintenir la proximité avec ses donneurs de soins qui vont assurer son maintien en vie et son bien-être physique et mental. Il va émettre des signaux tantôt attractifs (vocalises, sourires, câlins, demandes positives verbalisées plus tard etc.) tantôt aversifs (tels que pleurs, colères, crises, etc.). Ces derniers peuvent mettre en rude épreuve nos capacités parentales notamment pendant des périodes difficiles comme celle qu’on traverse actuellement où nous-mêmes on peut être en insécurité et/ou en difficulté vis-à-vis de son quotidien, son travail, son couple, etc.
C’est pour cela avoir en tête le but ultime de ces signaux (maintenir la proximité et rétablir un état de sécurité) peut nous permette à la fois de relativiser et une fois que nous avons pu réguler nos propres émotions, s’occuper de celles de nos enfants.
Pour aller plus loin :
Genet, C., & Wallon, E. (2015). Ca sert là quoi, des parents ?, Paris : Le Pommier.
Guedeney, N. (2010) L’attachement, un lien vital. Bruxelles : Fabert.

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